Un p'tit coup de gueule ?


Le contrôle de notre futur nous est dénié dès le contrat d'embauche et
l'employeur le sait. Cette situation d'un point de vue purement
psychologique, mais aussi logistique et politique, jouera en la défaveur de
l'employé ou de ses délégués dans les négociations ou les confrontations
avec l'employeur ou ses représentants.

Me battre pour quelques euros ? Mais la dignité humaine, c'est de prévoir
son avenir, sans cette prévision nous sommes rabaissés au rang d'un animal,
moins encore dans notre aliénation : d'un mois à l'autre, nous ne pouvons
anticiper, ruinant notre vie familiale, sociale, associative. C'est
dégradant, inhumain. Dès l'entrée du rapport des forces, il y a déficit
parce que l'une des conditions nécessaires à l'être humain fait défaut : la
capacité d'organiser son avenir à moyen terme. En effet, il n'y a pas d'être
humain sans prévision. C'est donc un statut d'esclave corollaire d'une
sous-humanité corvéable à merci et ce n'est pas une métaphore. Nous sommes
des bêtes sans aucun contrôle sur notre avenir immédiat, alors ne prétendons
pas à celui d'un avenir à moyen terme : la reconquête de notre dignité en
passe par des plannings remis au minimum trois mois à l'avance.

C'est-à-dire que sans ce préalable, l'employé précisément ne dispose jamais
de son temps.

Et s'il n'en dispose pas, il faut bien reconnaître que c'est l'employeur qui
le lui a spolié. Qu'il y a même consentement. Ce consentement tacite
touchant à la gestion de la vie, par un pouvoir d'organisation ou non sur
celle-ci, va au-delà de la simple gestion du temps, car il abdique une des
prises principales de l'être sur son avenir, sur sa vie, et en fin de compte
sur lui-même. C'est en fait réellement une rédition de l'être, une véritable
capitulation de sa liberté. Et l'employeur, ne serait-ce que confusément ou
encore très clairement, voire cyniquement, nous disions logistiquement et
donc politiquement, le sait.

D'après cette analyse, la victoire sur les plannings, la reconquête de notre
autodétermination pour la part qui nous appartient de nos vies, enfin qui
devrait nous appartenir, si elle n'avait été concédée de facto, nous
désignons les cycles de travail et de repos, car cette part privée est au
moins également sinon plus importante que celle des salaires, je dirais même
qu'en un certain sens elle les conditionne, puisque l'avoir perdu sans
compensation, c'est avoir accepté une perte de salaire sous la forme de la
qualité de vie.

De plus, devant ce fait, jouer le seul jeu des salaires ainsi que le font
avec l'employeur déplorablement la plupart des grands syndicats, c'est
s'abaisser à l'auge du matériel, certes nécessaire me direz-vous, mais
peut-être pas avant d'avoir regagné notre dignité en cautionnant la
marchandisation d'un strict minimum ; c'est s'avilir à user d'un discours
qui n'est pas le nôtre, alors que partout les profits se font par milliards
contre l'emploi et contre la vie. Avons-nous songé que nous pouvons regagner
les deux, salaire et dignité, que les deux vont de pair, que la qualité de
vie, la libre détermination, la possibilité de faire des projets peut
parfois primer sur le pouvoir d'achat ? que dans tous les cas le second est
toujours, même matériellement, subordonné au premier ?

Au lieu de cela, nous ne savons pas répondre d'un mois sur l'autre de nos
disponibilités et ce délai s'amenuise à une semaine en fin de mois. Et tout
le monde semble trouver cela normal. Partout nous rencontrons l'idée que
l'une des conditions fondamentales d'être humain, c'est cette capacité à la
prévision. Aucune autre profession ne rencontre ce niveau d'aliénation sinon
peut-être, à degré moindre toutefois, les agents des grandes surfaces
(caissiers, etc.), soit un autre pôle avec le BTP et le ménage qui fait tout
le bénéfice des affidés du Medef : ces professions (ravitaillement,
bâtiment, sécurité/sûreté, entretien) sont les semelles toujours réduites
d'épaisseurs, toujours plus éculées, usées et pourtant nécessaires – et ce
devrait être une force plutôt qu'une faiblesse – à la marche éhontée du
profit. Et aujourd'hui cette marge se joue à visage ouvert des différences
culturelles et de la pusillanimité ambiante, voire de la collaboration
active, pour maintenir les salaires sous le seuil minimum ; mais revenons au
sujet de notre dignité ou de son abdication par habitude de remettre la
gestion de notre vie au « bon vouloir », traduisons « au bénéfice » du
maître : La liberté de s'autodéterminer est une denrée rare, qui a un prix.
Or ces œillères sur l'avenir qui nous plongent dans la déréliction morale et
la négation de notre dignité, quand bien même seraient-elles acceptables, ne
sont même pas compensées, ni par du salaire, ni par des repos. Pourquoi ?
Parce rien ne pourrait l'acheter, ce temps de prévision, qui est identique à
notre dignité d'être humain ou, malheureusement, mais sans fatalité, à son
abdication.

Il est grand temps que notre repos ne soit plus la part congrue d'un lit à
deux avec l'employeur, c'est-à-dire d'un temps subordonné par son aliénation
à l'emploi seul, mais s'ouvre dans un espace de liberté et de restauration
de l'être, comme pour toutes les autres professions. Car ce lit, il faudra
bien le nommer par son nom : une maison close où passent les intérêts
spécieux de la prostitution.

Ainsi, lorsque j'entends prononcer le mot de légalité, je suis saisi d'un
sentiment profond de désespoir car j'entends « aveuglement » pour ne pas
entendre « complicité » : en nos temps historiques, la légalité, c'est celle
que s'octroie une minorité pour détruire la possibilité de vivre sur terre à
très court terme.

Commençons donc par nous relever à notre échelle, celle d'une prise active
sur notre avenir à court terme, d'un mois sur l'autre et même d'une semaine
sur l'autre en exigeant sans délais des planifications trimestrielles. Ce
n'est pas impossible, surtout pour les agents en poste fixe. D'autres
sociétés le font : sachons imposer nationalement, pour toute la profession,
notre humanité, légalement dans un premier temps, puisqu'il le faut malgré
le silence radio absolu sur cette question de bon sens, via nos syndicats.

Sachons imposer notre humanité à un employeur qui ne nous l'octroiera pas de
lui-même, sachant jouer comme il le fait d'une servilité pathétique et des
intérêts de plannings à la carte de certains au détriment de leurs
collègues. Et nous voyons-là que le planning remis parfois quinze jours
avant les autres collègues est une denrée qui se vend en échange de plus de
servilité, mais qui se vend quand même à prix sinon d'argent, de
renseignements et autres services sur la vie du poste et celle des collègues
moins enclins à s'abaisser ou à tirer avantage de la rareté de cette
rétribution qui ne peut pas concerner tout le monde pour continuer à
fonctionner, malgré ces quelques miettes pour d'aucuns, toujours plus à
l'avantage de l'employeur, qui saura toujours faire gain de telles divisions
entre les employés.

Trouvons la force, le courage d'activement faire connaître cette volonté,
non pas seulement à nos collègues du « privilège » et à leur employeur, mais
d'abord à nos délégués syndicaux. Je conclurai enfin volontiers avec vous
dans le constat simple que lorsque la vérité prend parole, nul ne peut plus
ignorer son message ; mais il reste encore à chacun d'entre-nous de
l'incarner en actes.

Jean Costic

17/05/2007

Histoires fantastiques


Vous vous sentez seul ?
Vous êtes triste de travailler seul dans votre coin ?
Vous détestez prendre des décisions ?

ALLEZ EN REUNION !

Vous pourrez ainsi :

  • Rencontrer des gens
  • Créer des consignes
  • Vous sentir important
  • Impressionner vos collègues
  • Boire du café
  • Parler à tout le monde en même temps
  • Gribouiller votre carnet de notes
  • Avoir l'air intelligent
  • Approuver d'un hochement de tête

Et tout  cela pendant les heures de travail !

LES REUNIONS :

Une alternative pratique au travail

M.Pym


03/08/2006



Double, triple peine…


Sécurité métier particulier ; terminologie vague sur fond de pseudo professionnalisation engagée par les pouvoirs publics.
On nous demande d'être des professionnels, tandis que plus de 70 % de la profession reste au SMIC. Société de consommation qui par les mirages, les illusions qu'elle suscite pousse à vivre à crédit, pour finalement considérer l'avoir comme une chose primordiale, plutôt que d'être.

Malgré la professionnalisation affichée, notre métier se précarise créant des travailleurs pauvres. La loi du 12/07/1983 (n°83-629, modifiée le 23/01/2006) et sa nouvelle lecture n'apporte aucune revalorisation réelle de notre métier, elle n'amène que de nouvelles contraintes moralisantes pour les collègues.

Le client donneur d'ordre veut des employés lisses, sans histoire, sans passé et sans avenir. Il veut des salariés aux ordres. Aux ordres non pas du droit, du Code du Travail et de la Convention Collective Nationale, mais aux ordres du client roi et de ses règles souvent très éloignées de notre rôle de prévention et de sécurité. Sur la plupart des sites  nous ne sommes plus que des plantes vertes, voir un homme à tout faire, " tu laveras le sol de l'entrée, tu distribueras le courrier, tu changeras les ampoules… ".

Je vais finir par regretter le temps où l'on nous montrait du doigt comme des méchants vigiles…. Au moins - par crainte - on nous respectait, maintenant on veut des gens soumis, fini les grandes gueules et la solidarité des équipes, fini la tolérance des instances étatiques. Et oui pour une fois - malheureusement - l'état où cette entité qui se fait appeler ainsi décide d'appliquer la loi, au sens stricte, jusqu'à l'absurde.

N° préfecture, Stic et Cie….. Vous connaissez ?

Numéro préfecture : chaque agent doit être enregistré en préfecture, c'est son accréditation, son sésame pour travailler. Auparavant, lors de l'embauche, une simple présentation du bulletin n°3 suffisait pour l'obtenir et ainsi travailler, on n'allait pas plus loin.

Le STIC, fichier de police, par la magie de l'informatique devait simplifier l'administration,  finalement il renforça la bureaucratie la plus kafkaïenne, car à force de croire en l'outil on n'oublie l'homme.
3e élément ; un nouveau ministre de l'intérieur, résultat nouvelles mesures. Il veut montrer qu'il existe. Alors toilettons les lois liées à la sécurité, faisons du tout sécuritaire, cela réconfortera les bonnes gens, les possédants.

Pour nous dans la Prévention Sécurité, la réunification de ces trois éléments allait être source de nombreux licenciements. Cela eut pour effet de renforcer l'arsenal de contrôle des personnels. Exemples ; double accréditation dans les aéroports, sans que nous ayons connaissance en quoi constitue la deuxième. Elle est à la discrétion semble t il du client ; sur les sites prestiges, les ex RG ou équivalents reconvertis dans le privé filtrent l'embauche sans le dire, d'une manière générale on regarde maintenant la totalité du casier.

En croisant les infos avec le Stic et le casier, cela eut pour résultat de nous conduire à des abus de toutes sortes. Bien que nous n'ayons pas pu faire d'études, faute d'éléments statistiques, militants et délégués, nous ont rapporté qu'après le 11/09, un écrémage de nos collègues magrébins ou proche orientaux sur les aéroports a été manifeste, de même sur les sites dits sensibles (media / siège multinationale).

Avec le Stic, d'autres absurdités ont eu lieu. Le simple fait d'être dans le fichier police faisait de vous un coupable, même si vous apparaissiez comme témoin, on ne cherchait pas plus loin la sanction tombait, viré sur le champs. Des collègues ont été licenciés pour cause d'homonymie, de façon préventive et avant même de pouvoir s'expliquer ils étaient licenciés sur le champ, sans aucun délai pour démontrer leur bonne foi. Des collègues de nationalité  étrangère pour cause de tracasserie administrative, de délais avec leur consulat se sont vus également licenciés sans délai faute d'avoir pu démontrer à temps qu'ils n'avaient rien à se reprocher.

Plus pernicieuse encore l'instauration non pas d'une double peine, mais d'une troisième quatrième peine…..  En effet pour les camarades ayant eu quelques démêlés avec la justice, errements de jeunesse, qu'il ne nous appartient pas de juger le licenciement tombait comme un nouveau couperet. Il rappelle une faute passée, une faute payée envers la société. Malgré cela vous étiez de nouveau sanctionné, licencié avec - seule faveur de la loi - possibilité de réembauchage. Commençaient alors plusieurs mois de procédure pour faire lever " l'incapacité " après du temps et de l'argent, et selon le bon vouloir du préfet, la société passait enfin l'éponge.
Marqué du sceau de l'infamie parce que vous étiez celui que l'on a montré du doigt, celui qui était entouré de secret "  qu'a-t-il fait ? " vous pouviez revenir, dans votre entreprise, comme un nouvel employé au coefficient de base, sans ancienneté, soumis.

Mais l'histoire ne s'arrête pas la. Au gré des rachats, faillites, fusions d'entreprises, tout en demeurant dans votre établissement, le siège social peut changer non seulement de ville mais aussi de département et les problèmes recommencent. Qui dit nouveau département, dit nouveau préfet et nouvelle demande pour faire lever l'incapacité (1), et donc nouveau licenciement….et cela pour les même faits !
Le collègue concerné reçoit une lettre type rappelant la loi de 83 " s'il résulte de l'enquête administrative, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur à la probité, aux bonnes mœurs, ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'état sont incompatibles avec l'exercice des fonctions… ". Texte permettant une très large interprétation avec pour recours principaux le ministre de l'intérieur ou le préfet. (2)
Subir deux licenciements en quelques mois, perdre son ancienneté, recommencer en bas de l'échelle et s'entendre dire qu'avec 1000 € par mois on est trop payé !
Qui est malhonnête ? Que penser si ce n'est que les " décideurs " sont des pousses aux crimes ?
En effet, quand les politiques, le patronat parlent de la valeur travail que cela signifie t il réellement pour eux ? Eux qui dans la Prévention Sécurité s'amusent avec la loi, crées, recrées des sociétés pour quelques avantages fiscaux jouant avec le personnel.

Maître du jeu  juridique qu'ils ont façonné à leur gré, ils ont légalisé en quelques sortes l'illégalité. Leur seul but apparent étant de faire du profit et de faire de nous des moutons dociles et consommateurs, heureux de notre précarité.
Conséquence, en quelques mois, 10% de la profession licencié " préfecture ", grand nettoyage, dans un métier déjà hautement précarisé.

Perspectives ?

Vu la politique d'externalisation de la fonction publique et la décentralisation non financée par le gouvernement, beaucoup de tâches aujourd'hui dévolues aux fonctionnaires seront sous traitées et seront soumises aux appels d'offres du moins disant.

La Prévention Sécurité ne fera pas exception à cette règle conscient du problème que ce transfert de compétences peut créer les pouvoirs publics ont-ils voulu durcir l'accès à cette profession, l'épurer en douceur pour conforter les honnêtes gens les préparer…

En tout état de cause une société qui condamne un individu, qui fait purger la peine, dit par un juge et qui recondamne, à une mort économique par décision administrative, à une autre peine qui est le licenciement, ne peut, ne doit être considérée comme un état de droit.

~~~


(1) chaque levée d'incapacité est liée à un département sauf recours ministériel.
(2) Prix : Coût moyen avocat, recours administratif devant le ministre 200 € / devant le tribunal administratif 1500 €.
Délai de deux mois à compter de sa notification, d'un recours gracieux auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales  (direction des libertés publiques et des affaires juridiques), d'un recours contentieux devant le tribunal administratif

Arvil

13/07/2006




Cherchez l'erreur...


A en croire nos bons responsables, être chef de secteur, chez Securance, c'est le bagne !

J'ai parfois la larme à l'oeil, en écoutant leurs explications fumeuses, si si, je vous assure.

Il est vrai que cela ne doit pas être très agréable de se faire bananer par les clients en direct live, devant les ads en plus !!!

Raaaaaaaaaaaaaaaa la honte !


Lorsque les agents vous informent de dysfonctionnements,"messieurs les Berciens", il faudrait peut être en tenir compte.
Faire semblant de s'occuper des choses, n'a jamais été une méthode très efficace.

Le mépris avec lequel vous nous considérez, humbles agents de troisième classe, n'est déjà pas brillant, mais adopter la même attitude vis à vis des clients est suicidaire !

C'est à croire que vous recherchez les pertes de contrats !

Si tel est le cas, ayez un peu de courage -il vous en reste, bien caché certes-, cessez de nous prendre pour des gogos.

Vous nous devez la vérité !


D'ailleurs si la soupe est si mauvaise, pourquoi ne pas changer d'employeur ?
Vous ne vous privez pas de nous le faire comprendre sur les sites, n'est-ce pas ?

Vous demandez des moyens ?
Une meilleure écoute de votre direction ?

Et bien revendiquez !!!


Ayez le cran de bousculer les choses, à moins que la peur...

07/06/2006

Pas plus qu'au prix d'une barquette, la cerise ne veut (se) faire le moine !


Je voudrais illustrer sinon démontrer ici comment dans notre profession mais aussi ailleurs une attitude "exemplaire" peut trouver une origine toute différente de celle que l'on veut bien lui donner ou communément admettre.

A l'occasion du prix des cerises dans une fourchette de quelques euros à une pointe de 45, le quotidien que lisait mon collègue titrait : « Je ne mettrais pas plus de 10 € le kilo. ». M'en étonnant, et affirmant que pour ma part je ne pourrais mettre que 2 € et encore si je pouvais me les offrir, ce qui n'est pas le cas, puisque mon budget ne m'autorise que le strict nécessaire, je l'interrogeais : Et toi ?
Sa réponse rejoignait la mienne, mais sans restriction d'achat (il est célibataire, sans enfant à charge) : « Oh moi, pas plus de 2,50, 3 € ».

Bon. Là où je me mis à réfléchir, c'est lorsque, pointant la photographie d'un père de famille et de ses deux filles, je concluais en affirmant :
« D'ailleurs, à bien regarder la photo, on voit tout de suite leur classe sociale… ce ne sont pas des prolétaires ! »
Or le journal est destiné à des ouvriers, des employés. La réaction de mon collègue fut immédiate et surtout véhémente : « Comment peux-tu le savoir ? Moi, si je m'habille en civil avec mes "beaux habits", je peux passer pour un cadre ! ». Que voulait-il dire ?

Le marquage culturel, les origines sociales ne se maquillent pas, ou très difficilement sur une posture, moins encore sur un visage et son expression… était-ce le statut, le pouvoir d'achat alors qui pouvait être feinté, ou la composition culturelle qui n'est pas nécessairement une prérogative de classe ?
Etait-ce un réflexe afin d'échapper à une "infériorité" supposée (à tort) et inculquée – réflexe dû aux frustrations (réellement) subies ? Nous étions en tous cas entrés dans l'idéologie du "faire croire" qui déracine l'être de ses réalités – et donc de son pouvoir d'action sur ces dernières.

Mon collègue en effet n'a pas l'assise économique qui lui permettrait de soutenir cette position dans le monde de la réalité.

Plus grave : En se réfugiant dans ce "faire croire", il rompt les liens qui l'unissaient à sa classe socioéconomique réelle – voire tout simplement à une culture de classe. Peut-être même à "la" culture, quoi qu'on mette derrière ce mot, mais qui demande toujours un véritable effort prolongé dans le temps et non une simple "opération magique".

Ici encore, l'adage se vérifie : "l'habit ne fait pas le moine". En effet, en s'illusionnant sur sa richesse (et donc sa puissance : il occupe un studio minuscule, peut-être une chambre de bonne, dans un quartier très "chic" du rive gauche parisien où il est tous les jours confronté aux codes mimétiques de la ligne 9), il est tenté de s'assimiler à une classe qui le manipule et le repousse en parlant continuellement à sa place – et dont finalement il lit les journaux, regarde les photos en fantasmant se voir.
Mais cette illusion ne peut effacer en lui un profond sentiment de frustration, car il ne peut fuir le vide et la vanité que cette position fausse inocule dans sa vie ;

Parmi les "solutions compensatoires", plutôt que retourner dans l'espace saint d'un enracinement réel, celui donc d'un travail (culturel, économique, de formation, etc.) sur sa condition, il tendra toujours plus à se cliver – dans l'irréel pour échapper au morne quotidien – avec pour conséquence un mépris de lui-même et de ses origines.

Gageons alors que nous le retrouverons isolé… et surtout amer, sans qu'il cesse pour autant de toujours quémander un peu de considération (quelques miettes, un regard, une caresse ou poignée de main, une oreille… même condescendante), une attitude qui sera prise dans le meilleur des cas pour de la qualité de service, au pire pour de l'obséquiosité.

Logiquement, la conséquence "positive" de cette position illusoire, qui s'est retournée à l'"avantage" immédiat de ce collègue (un avantage bien précaire, qui le maintien dans son illusion), c'est qu'il se fera l'informateur privilégié de l'oppresseur (du petit chef, du "capo"), dénonçant ses compagnons de misère – car à cette épreuve économique que nous subissons tous s'ajoute pour lui une solitude intérieure, un vide que ne peut pas remplir une vie par procuration, dont la puissance fantasmée via son chef lui reflète l'image incarnée d'une première marche vers la réalisation (bien illusoire) de son identité (à cette classe sociale que lui renvoi un média d'élection).
Or, derrière ce média, une classe économique, en toute connaissance de cause, tire depuis quelques générations déjà les ficelles de son (notre) oppression économique et sociale…

Les conséquences pour lui (pour nous), c'est que mon collègue ne peut pas s'engager syndicalement, car il ne connaît pas sa classe. Plus : il ne veut pas – ne peut plus – la reconnaître.

D'ailleurs, plus tard dans la soirée (comme d'autres fois déjà, à maintes occasions), son discours devenait sans équivoque à propos des syndicats qui « ne font rien » et des mandatés qui « ne sont là que pour leurs intérêts personnels » et de conclure qu'une adhésion « ne sert à rien ».

A l'écouter, je devrais rendre ma carte, car lui sait de quoi il parle : Ayant jadis cherché par cette voie une solution sociale au sein de l'entreprise, qui lui permettait "accessoirement" de discuter en "face à face" avec son employeur… il a ruiné "deux ans de (sa) vie" pour rien, pas même de la reconnaissance. Il est donc amer, très – et nourrit du ressentiment. Il veut surtout justifier (mais ça il ne le dira pas) son abstention d'adhésion actuelle.

Pour conclure, je trouve son discours très démobilisateur – et je ne dois pas en être le seul récipient "récepteur" : le partage-t-il avec d'autres collègues syndiqués, non syndiqués ? Posez-vous la question… et observez.

Jean Costre "de" Tolérance

07/06/2006
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Quelque chose à dire ?


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